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La Chasse

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Je ne sais ce qui me poussa hors de chez moi… Peut être cette torride faim lamentant mes entrailles, cette rengaine incertaine psalmodiant son sermon d’incantations mirifiques, de paradis perdus, d’incertitudes et de désirs. Je ne sais ce qui me poussa hors de chez moi, mais en chasse, armé de mon seul couteau et d’un flair tranchant, je savais les bois prospères aux florilèges, privilèges d’ambroisies, de saveurs transcendantales aux goûts orange, bleu, vert. Arc en ciel d’harmonie et d’équilibre, instance des sans-visages cultivent leurs jardins spirituels, terreux. Au premier pas, celui d’une volonté harnachée d’impatientes, je savais le péril grand. Échec et punition comme jeu masochiste des fatalités nous guidant aux chemins hypothétiques par sacrifices cachés : l’une après l’autre, les douleurs se découvrent. J’étais prêt à les subir : l’une, après l’autre !

Agréer le combat à mort entre la nature et moi. Moi, la nature ne m’inquiétais pas : c’était plutôt les mines allemandes de la dernière guerre, dans le champ des cadavres de Verdun. C’était eux qui distillaient la peur, qui riaient de me voir parcourir ces chemins de traverse que les randonneurs se refusaient d’emprunter, ces cratères à pic dévisageant la face figurative d’un crâne bombardé, parcourut de rides. Je cherchais la trace de ma proie, et le moindre cheveux aplatit, ces courbures d’herbes, indiquait le passage d’un sans-visage ; les éleveurs de cache-caches. Je les savais capable de toutes les fourberies pour protéger leurs têtes d’un été. Certaines de leurs pistes aux longs itinéraires ardues, nez dans l’herbe, œil dans la boue, marques de pas dans marques de pas, s’arrêtaient net ! L’horreur des techniques indiennes remontaient à mes souvenirs : marchant à rebours, le chemin se faisait en sens inverse… L’habitude y perd sa place et l’instinct bestial prime. Il fallait désapprendre. Je grimpais, haïssant le soleil qui était cherché des cherchées. Abjurant ma foi en l’homme et son partage, confessant à voix basse une messe communiste – mais dans le sens Stalinien – Je sentais monter la force d’une révolution lorsque le vent se leva, portant en son suc la senteur des arômes, des indices, des escalades de contentements. Sans prendre gare aux mines, le train part au charbon. Comprenez la joie, la certitude du chevalier au cou de sa princesse ! Une gifle : princesse se fâche ! On ne l’attrape pas avec des espoirs, il faut la séduire, l’amadouer, la travailler. Mais non princesse, ne vous fâchez pas ! C’est un mal entendus, ma main se penchait simplement pour cueillir la rose, sans prendre son pied. Les larmes aux yeux, murmurant au loin, elle me rappelle que je tente de faire cocu son sans-visage… Que je n’ai jamais pris soin de sa vertu et que celle-ci ne peut partir en fumée. Le humé me quitte, et me voilà perdu, au milieu de nulle part, son parfum encore aux lèvres. Adieu donc, vous êtes trop jalousée pour être enlevée galamment : je vous poursuivrais de mes intentions ailleurs… Malheureusement, nombreuses furent les fois, où, s’agitent au loin, je confondis Princesse avec une catin d’ortie velue. Ce n’est qu’après avoir traversé des autoroutes de ravins aux ronces urticantes que ces salopes droguées m’amendèrent de trois piqûres. Son mac gay s’empresse de pointer son dard, menaçant de me planter sur toute la longueur d’une cuisse, si je ne lui touche pas. Moment délicat, monsieur, ce fut une joie, et je tourne le dos un peu trop vite, un pan de chemise en lambeau termine la sale affaire… Le seul remède aux maux de tête après cette lutte d’un monde-jungle se renifle à nouveau. Quelle nouvelle tigresse se tapit dans l’ombre ? Pitié, pas la couguar ! Je peux mâcher son odeur, elle est là, toute proche. J’observe chaque feuilles, scrutant avec l’attention tendu d’un amerloque dans les arbres d’un Vietnam perdu, suspectant les mousses comme des murs protégeant des soldats aux bottes des sans-visages. Déjà l’horizon perd de l’altitude et les ombres s’étirent. Si proche, que j’y étais ! Peut-être ais-je piétiné sans la voir ma bien-aimée… Princesse cannabis, sans-visages, putes, couguar, Vietnam, tout est perdu ! La chaleur de mon espoir s’est refroidit. Le retour fit rire les corneilles. J’étais sans autre butin de chasse que dix piqûres de mousticouilles…

Dorian Clair | 2012

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