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30 Minutes Chrono

Des textes écrits dans le cadre d’ateliers littéraires. La contrainte du temps force à l’écriture automatique.

Natures Mortes

Éponge. 1'

Parallélépipède au corps absorbant, à la surface accrochante, grattante, frottante. Insatiable de liquidité pour se vêtir de saletés.

Melon. 2'

Tranché au dessert de sa robe grisâtre, il dégouline son sucre orangée du corps amer, et roule dans les mains dévorantes.

 

Pigne de Pain. 5'

Arrachée de la terre d'où elle est tombée, écartelée pour que s'échappe la sève de son amoureuse fertilité, elle est condamnée au bûcher, à s’enflammer sans jugements, pour le crime de s'être laissée attraper ! Son cœur sombre s'est ternit d'une suie abrasive, afin que profitent les Hommes, de la destruction de son existence.

 

Tissus rouge. 2'

Toro, reconnais-tu ce voile qui fit trembler Salammbô ? Teinté de ta chaire écarlate, il s'est fait le papillon, sous tes yeux ravagés du sel transpirant l'espérance.

 

Trois bols 20'

L'un de métal tibétain, le second en céramique et le troisième : du plastique.

La matière ne les a pas constitués des mêmes atomes, ne les destinent pas aux même entreprises.

Le plus noble sera mis sous verre, et tintera qu'aux plus grandes occasions.

Le plus commun ira aux besognes quotidienne, toujours transparent.

Le plus vulgaire mérite à peine de finir en écuelle pour chat.

Ces trois objets aux formes identiques ne reçoivent pas la même considération. La valeur relative accordée à une matière, une couleur, une résonance, est-elle suffisante pour que les trois bol soient séparés ? Justifie-t-elle que leur emploi puisse différer ? Est-ce une raison pour créer un fossé de distinctions et de respectabilité ? Il en va de même parmi les Hommes.

 

2020-07

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Organisé par Emmanuel Boidin membre de l'incorigible

Le Danseur


Flânant dans la tenue raide d’un costume trois pièces, il avait le regard porté vers le passé. Sa main parcouru son crâne chauve, en quête d’un souvenir perdu. La chaleur des sentiments décongela ses illusions. Il grimpa sur un banc en recouvrant son visage du noir costard. Las, il attendit que la langueur dépérisse, tandis qu’une rengaine immorale le tétanisait pour l’action. Ses phalanges se crispèrent sur son front raidit. Ses bras retombèrent, ses pieds se précipitèrent au bord du gouffre. Il semblait tâter le précipice, comme un petit garçon devant un bonbon acidulé. Doutant de cette posture mortelle, la raison prit le dessus, et il s’assît auprès de sa honte. Il ne voyait pas plus loin que l’infinis noirceur de sa déchirure. L’abandon lui fit perdre sa veste, et parcourir d’un pas incertain le parc public où il se trouvait.

De sa main droite, il semblait héler les passants, leurs demander le secours d’un peu de commisération. Il ne trouva que la folie en réponse. Prit d’une subite agitation, il baragouina une logorrhée qui agita ses membres, ses articulations, sa bouche et ses lèvres dans une hystérie que lui seul connaissait. Heureusement, il retrouva le repos, les bras écartés, accueillant la douleur qui l’accablait. Le regard porté vers le futur, la respiration lente, il se faisait le crucifié de la passion. Son œil hagard, parfois accusateur, prenait à témoins ceux qui l’entouraient. Il devenait le mannequin des foules pressés… Contorsionnant son être, il en perdit le veston, les doigts en signe du V solaire de la victoire. Victoire dansante sur la fatalité, énergie transformée par le piédestal de sa mise en scène. De nouveau, l’indifférence. La provocation était morte. Morte ! Les quatre fers au sol, dans une demi-pompe vacillante, tournoyante sur elle-même, où le démantèlement des gestes n’ont plus la force d’éteindre le doute, et la monotonie de cette balade sans buts.

2019-05-20

Un Bateau glissant sous l’Eau

 

Pas envie, révolte inutile, l’eau est plate, période creuse, le tour des choses… Lewis Carroll en mayo de bain. Faut un obstacle pour se donner l’impression d’avancer. Corrosif tout ça. L’insurmontable, c’est l’inversé de la vision claire. Limite : point de cassure où tout penche à 45°. Que reste t-il ? Des vallées jamais décrites, des images métaphysiques, de l’absurde et des histoires ? De l’émotion ? J’ai déjà ma tranche de tout ça. L’objectif n’est pas bon. Manque vraiment un truc, petit stylo. Une névrose ? Un complexe ? Bas ! Ça reste se forcer la main. Bienvenue dans la banalité, mais là encore, il manque un truc, c’est le possible… Sans fondements, c’est de la folie : jambon beurre dans une tartine de Nutella. Et déjà que ça juge. Vilain ça, vilain chat, tu laisses des poils dans ton délire. Chat devient grave Bertrand, les murs ne sont plus droits. Ouap, ça fait fuir le temps. Les trucs trop sérieux, c’est prétentieux et chat n’a jamais fait avancer les choses, des avances aux choses. Souquez ferme, les licornes nous prennent en chasse !! En même temps, le désordre, c’est l’arrière goût de chaos. Faut la troisième solution, elle prend la tangente discrètement en changeant de couleurs pour se fondre dans le décors. C’est le bordel quoi, alors ranges ta chambre et tricotes tes chaussettes : quand tu auras chaud aux pieds, tu ne poseras plus de questions à la monsieur moi-je, tu-il-elle, vous autres les spartiates de la productivité mécanique et millimétrée ! Oui Amiral, mais pour les licornes, on fait quoi ? Du sushis et que chat saute les crêpes. Le bateau glissait sous l’eau vers des abysses en faisant bobo aux bulots. 

2015-05-04

Canne de la Faconde

 

J’aimerai glisser sur les mots avec l’aisance d’une plume. Le poids des lettres, la présence des signifiés ralentit la réflexion dans l’exactitude. Hors, à l’oral, il faut l’esprit bien vif pour s’emparer de mouches. Il faut tendre des efforts titanesques pour bredouiller, parfois, l’ombre d’une grande tirade, ou s’approcher d’un récit, dans toute la complexité de ses méandres. Invoquer tour à tour des enjeux, du jeu et le Je. Quel conteur incroyable cela serait ! Moi, j’ai besoin d’une canne, de mon texte, car déclaré, il prend la force d’une vie. Il court, gambade, s’explique d’intonations et me laisse dans l’âme un accomplissement. Mettre son être dans la représentation d’une chose, en tirer les bénéfices de l’expérience, c’est apprendre de la complexité du monde, et le partager.

2015

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Photo par Florian Charpentier

La Force du Printemps

 

Mon Dieu… Cette chaleur qui monte inlassablement, cette vibration langoureuse et implacable, cette vague qui assaille des plages de désirs, et qui se retire en léchant des rivages brûlant d’espoir pour mieux se ramasser en un raz de marée miroitant d’amour qui, sous la pression d’un univers hormonal, grimpe toujours plus haut, plus fort, dans un laissé-allé sentimental inévitable. Et moi, terrassé dans mes propres incertitudes, oubliant mes valeurs à cause des neurones grillent les unes après les autres, Je me soumet à cette nature animale. Mes yeux ne regardent plus que les chaires, mon nez sélectionne ce qu’il cherche, mes oreilles entendent ce qui n’est pas dit et ma bouche parle trop. Mes barrages sautent, pardonnez moi, il y a eu trop de vents.

2015-03

Partage en contentement.jpg

Partage et Contentement

 

Un sanctuaire sacré, protégé de morales contraint le corps des terreurs de l’esprit. Les croyances et les certitudes étiolent, crispent en limant d’impossibles nos profondeurs palpitantes. Qu’est-il à craindre sinon la jouissance, cet amour n’est-il partout ? Son reflet pluriforme blâme les malhonnêtes car la douceur et la tendresse sont nos plus grands atouts. Honorez sans frayeurs : la parole en est la clef. Gardez vous de blesser, n’exprimez qu’avec justesse ce que l’idéal prononce exalté, donnez vous entiers sans rien à regretter.

Des volutes d’émotions, par un souffle positif oppresse le cœur d’une merveille grandit. Le sourire libère sa grâce et sied jusqu’aux longanimes, comme un parfum délictueux illumine cette fugace rencontre. L’éclair des yeux s’abandonne dans des sillons de joies. Fluette silhouette sur un napperon brodé, active à ne plus t’arrêter ! 

 

2014-11-10

Les Crocs de la Caverne

 

Dans les gravas poussiéreux, je traînais lentement, frôlant à genoux les piqûres rocheuses. Mes mains tâtonnaient sur la couche insensible et l’effort soutenue écorchait silencieusement ce qu’il me restait de peau. Je me redressais pour une halte fugitive et ma tête frappa la pierre humide qui illumina la nuit d’étincelles blanches aux odeurs aiguë.  A l’écho de mes larmes répondait cette sécheresse empattant ma bouche de saveurs calcaires et je me figeais soudain qu’un bruissement léger se faufila derrière moi. L’atmosphère glaça ma transpiration et haletant, je me jurais de leurs échapper, une seconde fois… Le souvenir récent de l’ivoire dans ma chaire et le pincement continu de mon torse ensanglanté renouvela mes forces d’un désespoir halluciné. Les parois courraient, filant sans hésitations, malgré les heurts que subissait ma volonté. Un flot de lumières frappa mes prunelles aveugles. Le claquement ravageur de la mâchoire de mes poursuivants griffaient mes orteils d’impressions épouvantables et l’ouverture si proche me fit regretter de m’y être aventuré. En sourdine, je les sentit remonter entre mes cuisses, le temps pour moi d’atteindre la confortable herbe du repos. Ces plumes vertes m’accueillirent et je m’abandonnais à elles, gisant du grand sourire libérateur de n’être pas dévoré.

2014-09-29

Michel Rossel

Le volant en main, je me livrais aux routes en cherchant dans le monde, une note fantaisiste. Une carte mal imprimée guidait mes roues par ma volonté poursuivant le souvenir de cette photo datée où une étrange architecture décrivait les agissements furieux d’un ermite constructeur. Je m’engageais dans la foret. Les villages s’étaient clairsemés jusqu’à disparaître totalement. La voie devenue terreuse se bosselait d’un irrémédiable cahot témoignant l’entretient de la nature : du carrefour à sanglier au ruisseau ravineur, tout résistait à ma progression et je pris peur de cet accueil délétère… On me « héla ! » Je m’engageais dans une exploration dangereuse où les hommes vont à leurs pertes ! Mon sauveur était né ici et bien que l’électricité demeure une connaissance lointaine, il me conduisit par l’unique chemin menant au domaine de son voisin caché, Michel Rossel. Une bâtisse difforme s’éleva dans la réalité, ses murs ondulés aux fenêtres convertit par l’imaginaire et ses poussées fiévreuses de refus sociétaire se concrétisèrent par la hargne de l’habitant à me faire déguerpir. J’étais une âme errante et son Paradis ne m’accepterai pas. Je m’en retournais rapidement, dans l’impression croissante de m’être un peu perdu.

 

2014-10-20

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Photo par Olivier Dain Blemont

Le Passager

 

L’acre distance soumettait dans son paraître un dégoût pour cette flexibilité facilitatrice. Il niait par confort et s’en raclait le dos, subissant son toupet d’une laconique hérésie faiblissante. Trompant cette retenue de merveilles que tout descendait en encaissant le joug du simulacre, sa monstrueuse prestance ne fut plus qu’une ombre réclamant son due, s’assouvissant de la moindre faiblesse en le pourchassent de cauchemars chaotiques désarticulant sa pensée dans les sinueuses racines de l’arbre aux conceptions. Il dompta le flot de haine par un contrôle systématique, verrouillant ce démon insufflateur de liqueurs attrayantes. Des tremblements le prit pour sa nécessaire lutte, sans qu’il n’en perde volonté. Il refroidissait, cicatrisant les effritements de cette lave corruptrice. Plus tard, il fut surprit de cette fascinante victoire, car elle faisait naître des fleurs insoupçonnés.

2014-11-03

A la casserole.jpg

A la Casserole

Ça m’agace de ne plus respirer l’odeur d’une tendresse possible. D’être ballotté comme un poids chiche prêt à exploser au milieu de petites lentilles vertes qui se laissent griller au fond d’une poêle. Où sont les carottes ? J’ai le nez bouché, ou bien ? Ça boue, ça me brise l’estomac de devoir ingérer ce plat fade, brûlant. J’en ais marre de ne pouvoir refréner toute cette sensiblerie qui fait que je ne suis pas une lentille, et quel tyran que ce poids chiche… Il faudrait lui enseigner un peu de pragmatisme, d’empirisme ! Il se pose partout en s’épluchant de sa pellicule. Bien sûr, la sauce mijote tranquillement. De ci, de ça. STOP ! Des douleurs physiques viennent d’elles même, par réconfort. Mais c’est absurde, complètement délirant ! Alors ce crétin de poids chiche repart de plus belle et voilà t-il pas que l’estomac se noue, en vous bouchant tous les chakras que vous pourriez imaginer. Bingo, c’est bon, ça m’a gavé, j’en ais par dessus le chmilblik. Quoi la pression ? Pas de retentions ! Direct, toute la poêle dans la cuvette. La faim est de nouveau là ? Il faut se nourrir : ce coup ci, c’est un tourbillon de cacahuètes à ingérer ! C’est la première bouchée… C’est pas prêt de s’arrêter ! Ventredieu, quelle digestion inlassable calqué sur le même chameau de destin. Etc… Etc… Prout !

2014-11-17

Grossièreté de Passage

 

Hier soir, chez des amis. Trois filles débarquent avec deux heures de retard. Premier mot de la meneuse : « Il n’y a personne ici ! » Petite remarque informelle que je trouve maladroite, car elle fait remarquer aux présents qu’ils n’existent pas. Elles s’ouvrent un champagne perso, tout en se désolant de l’absence de Vodka, puis décident qu’il est l’heure de finir les bouteilles. S’ensuit un jeu à boire, non pour l’amusement, juste histoire de vraiment vider les bouteilles. Et la meneuse, avec l’air sûr de celles qui mène par le bout du nez, veut illico partir en boite. C’est là bas qu’on a le privilège de s’amuser ! Les voici partit en voiture, moi je rentre en vélo. Car si je met leur grossièreté sur le compte de la jeunesse, en soirée, nous sommes tous le kleenex jetable de l’autre.

 

2016

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L’Inspectrice d’Intimité

 

Mon cou dans la boue, je demeure dans les yeux du mort. Ses lèvres me souriaient, comme si nos places étaient échangés dans l’extatique plaisir du mystère. Je suppose que c’est ma passion de vie à son comble, dégraissée de ses simplicités rasantes. Il se dégorgeait nu, attaché par les pieds sous un petit pont perdu dans la foret, la gorge liée à la pierre, garrotté, castré.

J’ouvris mon esprit en brisant le mur qui cimente nos deux histoires. De la poussière s’envola par mon souffle, colmatant le soleil, plongeant ma vue dans le tourbillon d’un brouillard. Laquelle de ces particules identiques ne fredonne pas d’une fréquence vengeresse ? Devrais-je filtrer leurs ressemblances et saisir la réponse d’un grain, d’une autre solution, et m’en tenir ?

Il était bien tard et je me relevais lentement en retirant mes gants que je glissais dans un sac en toile de jute. Le vent s’apaisa et dans sa tranquillité, je remarquais qu’à carences de traces, se formait l’indice le plus important : leurs absences signifiait ma culpabilité et la sienne, sans que le secret ne puisse s’épanouir. J’avais ainsi résolu avant même de commencer une énigme qui m’emprisonnais dans la liberté. Une dernière fois je me retournais, son cadavre épais alourdissait d’étonnements sa cruelle imposture en le maquillant d’innocences, tandis que mon mérite croissait d’une justice illégale.

Demain, j’inspecterai sur le meurtre de cet élégant porc, mon commissaire, mon amant inavouable.

 

2014-10-08

La Manigance

 

Je vous préviens d’une guerre d’entente avec un pays frontalier sous l’impulsion des filiales multinationales où la haute autorité publique s’active via des accords internationaux que seul ma place met dans le secret.

Celle-ci vise le sacrifice d’un surplus d’individus et la destruction d’infrastructures pour renouveler le marché mondial. Les médias se chargeront d’imaginer des dissensions politiques et économiques graves que nous appuierons d’une inflation jusqu’à l’endoctrinement des consciences collectives sur la base d’un an. La guerre débutera dans la « surprise » et la destruction informatique civile. Les généraux veilleront à ce que les affrontements soient en ville dans une opposition entre soldats de métiers et « nouvelles recrues ». Enfin, lorsque les dégâts seront jugés suffisant, une paix sera conclue grâce à l’OMS et scellée avec le mariage symbolique de personnalités connues du grand public. L’argent de la reconstruction servira de dette en créant un durcissement des classes sociales. Je ne saurai que trop vous conseiller de trouver refuge en vous exportant au plus vite car vous serez dans la zone de conflit, vos intérêts sont les miens…

Ps : A supprimer de vos mails.

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La Pleureuse

 

Un soir, que je rentrais chez moi, la roue de mon vélo crevé, je remarquais une larmoyante dame sur le trottoir de l’avenue Feuchères. Elle sanglotait sous une pluie battant le silence. Les passants la regardaient avec mépris et s’empressaient de l’oublier. Elle était désespérée, pitoyable et repoussante. Un peu de morve s’écoulait de son nez et ses yeux exorbitaient des larmes innombrables. Je m’approchais pour en savoir plus. "Mes magazines, on me les a volés…" Confiât-elle. Je m’efforçais de lui faire prendre du recul sur la situation. Au bout d’un moment, elle s’essuya la morve du coin de sa manche, et d’une voix calme me demanda si je croyais en Dieu. "A t-on besoin de cela pour aider ? Pardonnez le voleur, il avait ses raisons. Rentrez chez vous et oubliez celui qui vous a porté un si grand tort." D'un étrange sourire elle rétorqua un remerciement. Elle regarda le ciel avec étonnement, puis repartit, le cœur paisible. Certainement ne la reverrais-je pas… Je reste perplexe qu’un larcin aussi peu important puisse prendre cette teinte cataclysmique. Nos plus grandes peines sont-elles ainsi vide de sens ?

Dorian Clair | 2009

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